Colloque droit de la famille organisé en 2006 par l'Association de Juristes en Polynésie française

En Polynésie française

2 – En Polynésie française :

Au plan local, la mesure du phénomène des violences conjugales a été réalisée aux travers de 2 études du ministère de la santé:

- les violences envers les femmes - étude socio - anthropologique de septembre 2002,
- enquête quantitative les violences envers les femmes en Polynésie Française d’avril 2003.

Ces rapports soulignent l’importance de ces violences envers les femmes dans la société Polynésienne. Ainsi, une femme sur six précise avoir enduré les brutalités de son Tané et vivrait dans un climat tel qu’il mettrait en danger elle et ses enfants. Pour les rédacteurs des rapports, « ce type de faits est décrit comme se déroulant de manière cyclique et selon un continum » (coups, insultes, pressions psychologiques)…

Ces rapports soulignent également que « si l’on parle relativement plus qu’en métropole des violences physiques subies dans le cadre conjugal, les recours restent peu fréquents. Ils se produisent en général lorsque l’état physique de la victime nécessite l’intervention d’un médecin boire une hospitalisation à la suite de coups et de blessures gravissimes ». Ce constat rejoint la nécessité, non seulement de sensibiliser l’opinion publique sur la gravité de tels faits, mais également sur la nécessité de les dénoncer et d’améliorer l’accueil des victimes de tels faits.

L’importance quantitative des violences conjugales ne doit pas dissimuler la gravité intrinsèque de chaque fait de violence qui, se produisant dans le huis -clos familial, a un coût psychologique élevé et produit des conséquences sur l’ensemble des membres de la famille. Les enfants témoins de ces scènes de violence voient leur évolution physique et psychologique mise en péril et, pour certains, risquent de reproduire de tels actes de violence vécus comme un mode normal d’expression.


Sur ce point, l’étude quantitative souligne que 42 % des cas de violences graves seraient commis en présence des enfants et rappelle que le fait d’avoir été soit - même victime ou témoin de ces violences accroît le risque de victimisation à l’âge adulte.

En la matière, le chiffre noir – c'est-à-dire le nombre de faits qui ne seront pas portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie ou de l’institution judiciaire - est important. Si le nombre de faits dévoilés est de 13 % en métropole selon l’enquête de l’ENVEFF, il tomberait à 6% en Polynésie Française.

Toutefois, même s’ils sont nécessairement parcellaires et incomplets, les chiffres judiciaires donnent une indication sur l’importance quantitative de ce type de violence qui représente à peu près, pour l’année 2005, 30 % des faits de violences constatées.

Ainsi, le nombre de procédures de violences conjugales reçues au parquet de Papeete, est –il de 425 en 2003, 488 en 2004, 445 en 2005 et 582 en novembre 2006. Sur ce dernier point, l’accroissement de ce chiffre, pour l’année 2006, ne traduit pas, selon nous, l’augmentation des faits de violences conjugales mais, plutôt, la volonté nouvelle qu’ont les femmes de porter plainte suite notamment aux campagnes de sensibilisation qui se sont déroulés nationalement et localement et à la mobilisation des acteurs locaux.

L’importance du chiffre noir est liée au mutisme observé par les conjoints victimes sur ce qu’ils subissent dans le secret de leur vie familiale. Ce silence des femmes, majoritairement, s’explique, ici comme ailleurs, par la peur de représailles, par un certain sentiment de culpabilité, certaines femmes se vivant comme n’étant pas à la hauteur des attentes de leur mari. En outre, l’étude socio - anthropologique sus- citée démontre que, si le discours populaire présente les violences conjugales comme un phénomène particulièrement répandu dans la société polynésienne, il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la vie privée de chacun et chacune. Les femmes polynésiennes redoutent la honte, « le ha’ama ». Il s’agit selon les auteurs de l’étude socio anthropologique d’un « concept fondamental de la vie polynésienne proche de celui d’honneur », qui fait qu’on ne dévoile pas ce qui relève de la sphère privée et qui peut, de quelque manière que ce soit, entacher l’honneur de la famille ou du clan.